En raison de leurs faibles coûts et de leur fort retour scientifique, beaucoup d’universités commencent (ou souhaitent commencer) des projets CubeSat. L’université Paris Diderot a créé un Centre Spatial Étudiant en 2012 pour supporter ses activités nano satellites éducatives.
IGOSat (Ionospheric & Gamma-ray Observations SATellite) est le premier projet CubeSat de l’Université Paris Diderot, et embarque 2 charges utiles sur une orbite quasi-polaire à environ 650km d’altitude :
un récepteur GPS bi-fréquences pour étudier le contenu électronique de la Ionosphère par occultation GPS, en mesurant la différence de phase des signaux L1 et L2.
un scintillateur et un SiPM (photomultiplicateur au silicone) pour détecter les rayons gamma et les électrons au dessus des pôles et de l’anomalie Atlantique Sud (SAA), en utilisant l’exemple de XGRE/TARANIS (actuellement développé à l’APC).
Avec le soutien du CNES via le programme JANUS (projet de satellites éducatifs français), de l’APC (AstroParticule & Cosmologie) et de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris), IGOSat a déjà permis de former plus de 270 étudiants d’Université d’Ile de France et d’ailleurs.
Un CubeSat est un standard de nano satellite, contraignant principalement la taille du système (1 Unité = 10x10x10 cm) et sa masse (1,33kg par Unité). Créé en 1999 par les Université CalPoly
et Stanford en Californie, il permet de concevoir, fabriquer et opérer des satellites à coûts réduits.
Ainsi, plus de 300 CubeSats ont été mis en orbite depuis 2003 (chiffre 2015).
Un CubeSat peut être constitué de une ou plusieurs unités (allant jusqu’à 6U actuellement, IGOSat étant un CubeSat 3U, le plus commun). De nombreuses start-ups proposent de nos jours
des sous-systèmes appelés “sur étagère”, qui permettent de réduire drastiquement les coûts de développement.
IGOsat a comme objectif de sonder la partie de l’ionosphère située en dessous de son orbite, en utilisant la technique de l’occultation radio des signaux des satellites GPS. La fréquence d’échantillonnage sera de 1 Hz (ce qui nous donnera une séparation kilométrique entre deux rayons de sondage).
Son antenne d’occultation est située sur la face arrière du satellite avec une altitude de pointage de 300 km au dessus de la surface de la Terre.
Cette configuration lui permettra de faire des occultations descendantes : l’acquisition des données commencera avant que le signal GPS ne traverse la partie de l’ionosphère située sous l’orbite d’IGOsat, et continuera jusqu’à ce qu’on perde le signal (par occultation du satellite GPS par la Terre). La charge utile GPS mesurera le TEC ionosphérique pour plusieurs objectifs :
Étudier la corrélation entre nos données et l’activité solaire : la densité électronique de l’ionosphère est le résultat d’un équilibre entre ionisation solaire d’une part, et recombinaison ions-électrons d’autre part. Les variations d’activité solaire sont directement corrélées aux variations de TEC, affectant le comportement de l’ionosphère sur des échelles de temps allant des minutes jusqu’au cycle solaire de 11 ans.
Remonter au profil de densité électronique vertical de l’ionosphère : en utilisant les données collectées pendant une occultation complète (atteignant une altitude inférieure à 100 km), on pourra remonter au profil de densité vertical en utilisant un algorithme d’inversion similaire à celui utilisé par la mission COSMIC [1], qui produit régulièrement les profils de densité électronique d’occultation radio. Cet algorithme utilise en entrée la série temporelle des mesures de TEC sur la ligne de visée entre les deux satellites et calcule Ne(h), la densité électronique en fonction de l’altitude au point tangent de cette ligne : le point qui forme un angle droit avec le rayon à partir du centre de la Terre.
Étudier la corrélation des données obtenues via les 2 charges utiles d’IGOsat :au niveau des cornets polaires et de l’anomalie Atlantique sud, zones d’activation du scintillateur. Ceci permettra d’analyser la réponse de l’ionosphère aux variations des flux de particules à haute énergie.
Détecter les ondes de gravité :des ondes de gravité se propagent couramment dans l’ionosphère (due notamment à l’alternance jour/nuit ou à la présence de relief, un très grand nombre de phénomène géophysique crée ces ondes). Pour cela les variations du TEC d’occultation non-calibré seront analysées.
Détecter les ondes de gravité générées lors d’événements telluriques : on pourrait aussi observer des ondes de gravité dues à des évènements plus rares, comme des séismes, des tsunamis ou des éruptions volcaniques. [2]
Le principal intérêt d’étudier la densité électronique de l’ionosphère est à la fois géophysique, pour par exemple détecter la propagation d’ondes de gravité, mais aussi social : cette densité électronique va perturber tous les signaux radio qui traversent l’ionosphère et affecte dons les communications radios et en particulier les systèmes de positionnement par satellites.
Références :
[1] : Thèse de Pierdavide Coïsson, chercheur à l’IPGP : Détection multi-instruments des perturbations ionosphériques générées par la propagation des tsunamis, Ecole doctorale de l’Institut de Physique du Globe de Paris. https://www.dropbox.com/s/59z6mc8md3ungbc/20120924-coisson.pdf?dl=0
[2]: First tsunami gravity wave detection in ionospheric radio occultation data » P. Coïsson, P. Lognonné, D. Walwer, L.M. Rolland, Earth and Space Science, 2, 125-133, 2015 doi: 10.1002/2014EA000054.
Responsable Scientifique de la Charge Utile : Pierdavide Coïsson
En physique des particules, la scintillation est un phénomène semblable à la phosphorescence et à la fluorescence : les molécules du matériau qui reçoivent un rayonnement incident (particules) sont « excitées », c’est à-dire qu’un électron passe à un niveau énergétique supérieur. La désexcitation, c’est-à-dire la redescente de l’électron à un niveau moins énergétique, s’accompagne de l’émission d’un photon, qui en l’occurrence, est un photon visible (UV à bleu en général).
Les zones d’intérêts de la mission sont les zones aurorales et l’Anomalie Magnétique de l’Atlantique Sud (AMAS).
Les ceintures de radiation (aussi appelées ceintures de Van Allen) sont des zones de la magnétosphère terrestre où les particules du vent solaire sont piégées et voyagent d’un pôle à l’autre en spiralant autour des lignes de champ. Ces ceintures atteignent de très basses altitudes au niveau des pôles et se retrouvent en contact avec l’atmosphère terrestre. Les particules chargées piégées dans les lignes de champ magnétique sont ainsi injectées à de très basses altitudes à travers ces régions, augmentant ainsi la densité de protons et d’électrons de très hautes énergies (supérieures au MeV) dans ces zones appelées zones aurorales. C’est d’ailleurs là que l’on peut observer des aurores polaires (appelées aurores boréales dans l’hémisphère Nord et aurores australes dans l’hémisphère Sud).
La probabilité de mesurer des électrons atteignant la dizaine de MeV et des photons gamma issus de l‘interaction des particules chargées avec les molécules d’air de l’ionosphère est donc plus importante dans les zones aurorales qu’ailleurs.
Une autre région est concernée par ces phénomènes : il s’agit de l’Anomalie Magnétique de l’Atlantique Sud (AMAS). Située au-dessus du Brésil, cette anomalie est liée au fait que le champ magnétique terrestre y a une valeur particulière. Cela s’explique par le fait que la partie interne de la ceinture de Van Allen est plus proche de la surface de la Terre au niveau de cette région. Les lobes de la ceinture de Van Allen sont disposés symétriquement par rapport à l’axe magnétique de la Terre, qui est décalé de 11 degrés et de 450 km par rapport à l’axe de rotation de la Terre. En raison de ce décalage à la fois en angle et en position, la ceinture de Van Allen est la plus proche de la Terre au niveau de la partie Sud de l’Atlantique (450 km d’altitude environ) et la plus éloignée dans la partie nord du Pacifique. En conséquence, pour une altitude donnée, le niveau de radiations en provenance de l’espace est plus élevé dans cette région qu’en d’autres points du globe.
L’intérêt de la caractérisation des particules dans ces zones particulières est multiple.
En effet, IGOSAT permettra de mesurer le spectre et de cartographier les électrons des ceintures entre 1 et 20 MeV. Ces mesures seront complémentaires à celles obtenues par l’instrument IDP,
à bord de la mission du CNES DEMETER, dans la gamme d’énergie 70 – 2500 keV. En particulier, DEMETER a montré une évolution du spectre des électrons à basse énergie (en dessous du MeV) avec les conditions magnétiques locales (présence d’orages par exemple) qu’il serait intéressant de suivre à plus haute énergie. IGOSAT pourra aussi mesurer la corrélation des propriétés des électrons avec le cycle et les éruptions solaires.
IGOSAT mesurera aussi le flux de photons gamma en orbite basse qui n’a pas encore été déterminé en détail au-delà du MeV. Il pourra ainsi séparer les composantes due au bruit interne,
à l’albédo terrestre et aux ceintures elle-même en mesurant l’évolution des spectres gamma hors et dans les zones aurorales et l’AMAS. Cette mesure servira aussi à préciser le bruit de fond auquel seront soumises les futures missions spatiales en orbite basse.
Au travers des mesures effectuées, il sera donc possible d’évaluer l’évolution sur un an de ces populations de particules (photons gamma et électrons), de rendre compte du couplage ionosphère-magnétosphère et de mieux cerner les perturbations du champ magnétique terrestre provoquées par le vent solaire.
Responsable Scientifique de la Charge Utile : Philippe Laurent